Historique de la Faculté

Stratisburgum, le bourg des routes, voilà le nom que prend au VIe siècle une cité qui succède à un camp militaire établi par les Romains sur les ordres d'Auguste, 12 ans avant notre ère. Après avoir été pendant longtemps une forte position défensive, sur les limites de l'Empire, la ville affirme ainsi sa vocation de carrefour au cœur de l'Europe dès les débuts du Moyen-Age.

Cette position stratégique de Strasbourg en fera le lieu d'événements politiques considérables comme le Serment de 842 prêté, en deux langues, par les descendants de Charlemagne ou bien l'écriture de l'hymne national français, la Marseillaise, en 1792 à l'intention des volontaires de l'Armée du Rhin. Au XXe siècle, après les tragédies de deux guerres, Strasbourg jouera un rôle fondamental dans la construction européenne en tant que symbole des rapprochements indispensables : dès 1949, la ville accueille le Conseil de l'Europe puis la Cour européenne des droits de l'homme et elle sera ensuite également le siège du Parlement européen.

En 1526, le bourgmestre Jean Sturm fonde les « Ecoles latines », transformées ensuite en Gymnase (1538), puis en Académie (1556) et enfin en Université en 1621. Dès le début, un enseignement de droit romain a été assuré dans ces écoles et il s'est développé au point que l'Université comprendra, dès sa création, une Faculté de droit à côté de celles de théologie, de philosophie et de médecine.

Les juristes strasbourgeois vont donner à leur Faculté une originalité remarquable en assurant des enseignements nouveaux à côté des cours habituels de droit civil (c'est à dire de droit romain) et de droit canonique qui y sera professé après le rattachement à la France, malgré le maintien du statut confessionnel protestant de l'Université ! On y trouvait ainsi des cours de droit public, de droit féodal et même de droit des gens, c'est à dire de droit international, avec une chaire unique en son genre confiée à Christophe-Guillaume Koch en 1787. Ces matières s'ajoutaient à celles de la Faculté de philosophie qui offrait des enseignements de droit naturel, d'éloquence et d'histoire diplomatique, fondés par le grand Schoepflin dès 1720. Ce programme a su attirer la jeunesse éclairée de France et d'Europe, comme Goethe, Destutt de Tracy ou Metternich qui pouvaient, à Strasbourg, fréquenter une véritable école politique et diplomatique sans équivalent dans les autres universités. Cette tradition sera reprise et confirmée plus tard, par exemple en 1829 quand le gouvernement autorisera par un arrêté daté du 4 août l'admission d'étudiants étrangers à la Faculté, ou bien sur le fond, au XXe siècle avec les cours d'histoire des traités et de droit international public du Doyen Robert Redslob, professeur à la Faculté de 1919 à 1953.

Mais entre temps l'Université de Strasbourg a dû subir bien des péripéties à travers les troubles et les conflits des XIXe et XXe siècles. Notre Faculté de droit fut ainsi supprimée comme toutes les autres par la Révolution en 1792, mais fut reconstituée sous le Premier Empire en 1806. L'annexion de l'Alsace-Lorraine, après la défaite française de 1871 entraînera son passage dans le système allemand et un changement complet de son corps professoral, tandis que la fin de la Première Guerre Mondiale marquera son retour à la France en 1919, avec un bouleversement inverse. Elle connut même l'exil de 1939 à 1945, quand il lui fallut échapper à la guerre puis à la dictature qui s'était abattue sur l'Alsace en se réfugiant à Clermont-Ferrand en Auvergne. Mais heureusement les rivalités n'ont pas toujours eu des conséquences tragiques : l'Empire allemand puis la République française ont tenu à faire de l'Université de Strasbourg un modèle sur le Rhin et les bâtiments comme les listes prestigieuses d'enseignants témoignent des efforts considérables entrepris par les gouvernements.

Pour les études juridiques, la position particulière de Strasbourg a abouti à inspirer de grandes œuvres, en droit privé comme en droit public. C'est ainsi que le Doyen Charles Aubry et son collègue le Professeur Frédéric-Charles Rau réalisèrent leur célèbre Cours de droit civil français en intégrant la méthode du Professeur Zachariae, de l'Université de Heidelberg. Pour le droit public, il faut relever, en raison des liens scientifiques qui les associaient à distance, les noms de Paul Laband, pour la période allemande, et de Raymond Carré de Malberg qui rejoignit Strasbourg en 1919 pour exercer à la nouvelle Faculté de droit et de sciences politiques.

Cette croissance fut encore renforcée dans les années 1950 et 1960 avec la création de nombreux instituts et centres spécialisés. A l'étroit dans le Palais universitaire, la Faculté s'installa en 1962 dans ses nouveaux locaux construits à l'Esplanade sous la direction du Doyen Alex Weill. Ce fut un des premiers bâtiments de ce nouveau secteur universitaire qui utilisait d'anciens terrains militaires et d'autres le rejoignirent rapidement pour accueillir l'expansion des effectifs d'une Université en pleine croissance. En 1968, la réforme universitaire fournit l'occasion de reconstruire de nouveaux cadres pour l'enseignement et la recherche en divisant l'Université de Strasbourg en trois établissements distincts. Les disciplines et les formations juridiques, politiques et de gestion furent regroupées avec de nouvelles filières technologiques pour constituer l'Université de Strasbourg III. En 1987 celle-ci prit le nom de Robert Schuman, grand homme politique et père fondateur de l'Europe, pour témoigner à la fois de son enracinement dans l'histoire de l'Alsace-Lorraine et de son engagement européen. Mais ce faisant, l'Université rendait aussi hommage à un avocat, docteur en droit et ancien étudiant de notre Faculté qui occupe une place centrale dans le nouvel établissement dont plusieurs unités sont issues de son sein.

L'époque de la séparation des universités en 1969 représenta un changement important pour la Faculté avec le départ de la plupart des professeurs et des enseignements de sciences économiques pour l'Université de Strasbourg I. Les études économiques s'étaient progressivement développées dans le cadre des facultés de droit depuis la fin du XIXe siècle et il existe encore plusieurs établissements en France qui associent les disciplines dans leur intitulé de facultés de droit et de sciences économiques. C'était le cas à Strasbourg aussi, jusqu'à ces choix qui privilégièrent la constitution d'une Faculté de sciences économiques séparée, au sein d'une nouvelle université scientifique. Cependant, depuis ce départ, la Faculté de droit a développé des enseignements d'économie appliquée, de gestion, de comptabilité et de finances, notamment depuis 1984 avec la création d'une nouvelle filière A.E.S. (Administration économique et sociale). Pour marquer clairement cette orientation, elle prit le nom de Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion et entend occuper toute sa place dans ce mouvement des affaires publiques et privées qui caractérise Strasbourg depuis des siècles.

Aujourd'hui, la Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion rassemble plus de 5000 étudiants, et près de 130 enseignants permanents.

Résolument ouverte sur le monde, elle s'est fixée comme objectif de favoriser les échanges avec les universités étrangères. La Délégation aux Relations Internationales et Européennes témoigne de cette volonté de définir une politique d'ouverture.
 

Norbert OLSZAK
Professeur agrégé
Ancien Doyen de la Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion